Vous le savez, j’aime les pavés milanais. Même si c’est pas pratique quand on roule à vélo, qu’on y coince les roues des poussettes et des chariots, qu’ils se désoudent parfois et se transforment en tremplins pour motos, même si c’est bruyant et pas très adapté à la vitesse des véhicules d’aujourd’hui… C’est pourquoi l’annonce de leur retrait dans toute une partie de la ville cet été (hormis dans le centre historique, vu que c’est joli, il ne s’agirait pas de décevoir les touristes) m’a quelque peu attérrée. Ca m’a fait réfléchir aussi, surtout quand j’ai aperçu, sous terre à l’entrée du métro Missori, qu’on avait mis sous verre les restes d’un morceau de pavé romain*, sorte de relique mal nivelée, creusée par la pluie et le poids de nombreux pieds.
Un jour, on trouvera sans doute dans quelque musée un specimen semblable de ce qu’était le sol milanais d’aujourd’hui, on y verra les traces des rails du tram, les vieilles plaques en fonte incrustées, et sans doute quelques talons d’italienne restés coinsés entre deux pavés. Et pendant qu’on cuira sur le bitume qui fond au mois de juillet, en attendant de traverser dans les vapeurs de gomme, les semelles enfoncées d’un bon demi-centimètre dans l’enrobé, on pensera avec nostalgie au petit bruit saccadé que faisaient les passants en traversant la rue, quand ils trainaient un trolley.
*Pour la petite histoire, c’est en creusant en 1989 pour construire la ligne n°3 de métro (la gialla) qu’ont été retrouvés les restes archéologiques permettant d’identifier le parcours de l’actuel corso di porta romana comme la voie utilisée pour rejoindre Rome du 1er au Ve siècle.