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Depuis cet été je n’ai pas beaucoup écrit ici mais j’ai beaucoup lu! D’où la pile dangereusement haute de livres à chroniquer qui hante le plateau de mon bureau… Histoire de ne pas vous faire un billet kilométrique, j’ai décidé de transformer la corvée en exercice, et d’essayer de vous donner envie de lire les meilleurs en moins de 10 lignes (réflexion faite, je vais même scinder l’article en deux, y’en a vraiment trop). Pour moi qui ait l’habitude de profiter du format blog pour m’étaler, c’est un vrai challenge!

erri de luca

Erri de Luca – Le jour avant le bonheur : L’Italie me manque et je dois avouer qu’il n’y a rien de mieux que de se plonger dans un roman d’Erri de Luca, même s’il s’ancre dans une époque un peu lointaine (ici l’après-guerre), pour retrouver le gout de ce pays si attachant. J’aime ici comme le fabuleux, le fantasme et le mythe s’invitent dans le quotidien, et la façon dont Naples, le port, la rue et une simple loge de concierge se parent de mystère et d’histoires. Si les dialogues amoureux sont désastreux (et la scène de sexe lauréate du Bad Sex in Fiction Award), le lyrisme qui courre dans le texte sied parfaitement à ce récit d’orphelin qui découvre le monde à travers les livres et le jeu de scopa.

tracy chevalier

Tracy Chevalier – A l’orée du verger : Peut-on se passionner pour une histoire de pommes? Au point d’en faire une obsession, de les entourer de barricades, de s’entre-tuer avec sa femme? Aimer les arbres au point de traverser l’Amérique, à la rencontre des séquoias géants? Vibrer pour un livre au point de lui consacrer une nuit blanche, d’en pincer soudain pour des histoires de pépins et de greffes et d’explorateurs en quête de graines de géants? La réponse est oui! S’il m’inspirait peu de prime abord, j’ai vite dévoré ce roman qui mêle faits et personnages réels (John Chapman le dealer de pépins, William Lobb l’explorateur botaniste) et péripéties romanesques. Tout part de l’Ohio et de la règle voulant qu’un colon ne pouvait se voir octroyer une terre que s’il s’engageait à y planter 50 fruitiers, et le livre est une histoire de migrations, de voyages, une vraie saga familiale sur fond de déracinement des hommes et des arbres.

Ragnar Jónasson

Ragnar Jónasson – Snjór : Cet hiver j’ai eu des problèmes de chauffage (ça n’a l’air de rien mais c’est important pour la suite). La nuit, la température dans l’appart pouvait tomber à 11 degrés, et moi grelotter sous la couette à tenter de lire en limitant la portion de bras exposée au froid. Des conditions parfaites pour se plonger dans ce polar glacial! Entre neige, petite ville d’Islande bloquée dans les congères, frisson de mystère et rancunes villageoises à faire froid dans le dos, je n’ai eu aucun mal à me plonger dans cette histoire de flic claustrophobe enquêtant sur deux décès suspects au cœur de l’hiver! Un huis-clos palpitant où la neige et le confinement, tant géographique que moral, sont deux protagonistes essentiels, et peut-être aussi responsables que les vrais coupables…

Grégoire Hervier

Vintage – Grégoire Hervier : Encore un polar? Oui mais là, ça n’a rien à voir! Ça parle de guitares, de fans d’Elvis, de rock, de métal et du pouvoir supposé de certains instruments… A la recherche du modèle Moderne de Gibson, jamais produite et dont on ignore si ses prototypes ont réellement existé, on sillonne les routes d’Amérique, les anecdotes et quelques lieux mythiques de l’histoire de la musique. On cours après un rêve de musicien, on découvre un génie méconnu à la « Sugar man » version visionnaire du métal, on laisse quelques traînées de sang et des filles éperdues au bord de la route… On referme le livre avec quelques références en plus, le sourire des initiés et une furieuse envie d’écouter du rock à plein volume!

Hadrien Klent

La grande panne – Hadrien Klent : Quand je l’ai reçu j’ai pensé à une histoire de prostate façon la maladie d’amour (et avouez, vous aussi!) mais non, il s’agit bien là d’une panne de courant. Une vraie grosse panne généralisée même, volontaire et rendue nécessaire par un nuage de graphite venu d’Italie (hé hé) qui menace de s’enflammer au contact des lignes à haute tension. Une panne qui va plonger la France dans le noir pendant plusieurs jours, mettre en émoi les dirigeants et les responsables de la sécurité nationale, mais aussi permettre à chacun de ressentir le frisson de l’aventure au moindre geste quotidien. A la faveur de l’obscurité annoncée, chacun croit ainsi pouvoir se réinventer. C’est en Bretagne, sur l’île de Sein, que le gouvernement part se réfugier pour superviser la panne et veiller (de loin) sur les citoyens, pendant que la rumeur de l’inconnu gronde et que les complots fomentent…

joyland

Stephen King – Joyland : Je vous ai déjà dit ma passion pour cet auteur, ses dialogues bien ficelés et son talent pour camper des ambiances à chaque fois différentes. Des ambiances qui, souvent, commencent par le langage, une façon de parler ou des mots qui rassemblent: en famille, au sein d’une profession ou d’un groupe, ils sont le point de départ d’une connivence, d’une identité. Dans Joyland, on entre dans l’univers des forains par la porte linguistique avec l’évocation de « la parlure », jargon utilisé par les vieux de la vieille comme, peu à peu, par les jeunes qui ont travaillé dans le parc de jeux tout l’été. Il divisent ceux qui en sont et les autres, comme une porte entre la fête et l’envers du décor, entre Howie le chien en peluche géant qui danse et celui qui sue sang et eau sous le costume, entre ceux qui font peur pour rire et ceux qui font peur pour de vrai, et que Devin et Erin, deux petits nouveaux, vont essayer de démasquer…

john fante

John Fante – Mon chien stupide : A l’époque où je me réjouissais des romans de Tom Sharpe, une lectrice (que je ne peux citer vu que les commentaires ont été perdus lors de la migration du blog) m’avait conseillé ce livre dans la même veine comico-caustico-absurde. Des années plus tard, j’ai enfin mis la main dessus et je dois dire que je n’ai pas été déçue. Car dans ce roman il ne s’agit pas tant du chien que de son maître, un auteur quinquagénaire en déclin et de son insupportable famille. L’arrivée du chien, quoi qu’insignifiante en soi, va bouleverser sa vie de manière inattendue. C’est drôle (et stupide donc) mais suffisamment bien écrit pour qu’aucune honte ne ternisse mon sourire de lecteur ravi dans le bus, et parfois tellement lucide- la vie ne semble t-elle pas parfois absurde elle-aussi? Plus qu’un livre comique, c’est l’arrangeante façon d’accepter avec le sourire le poids des ans et les rêves qu’on n’exaucera peut-être jamais…

Paul Mc Veigh – Un bon garçon : A la fin des années 80, j’avais 5-6 ans et les conflits de l’époque en Irlande du Nord me semblent irréels quand j’y pense aujourd’hui. (Quelques années plus tard, je croyais que la guerre du Golfe se jouait au terrain de Golf au bout de ma rue, pour vous donner une idée de mon niveau de conscience de l’actualité à l’époque). Comme tout le monde j’ai vaguement entendu parler des affrontements entre catholiques et protestants, mais j’avoue, plus grâce à Bono de U2 qu’aux programmes scolaires. Ce fut donc un rattrapage nécessaire que de lire le récit de ce conflit à Belfast par un enfant de 10 ans, et sa vision des événements qui à ses yeux semblent presque normaux et à peine plus effrayants que la perspective de perdre la monnaie des courses ou de se faire bizuter au collège. C’est un très beau roman qui m’a un peu rappelé Billy Elliot (que j’ai vu il y a peu pour la première fois), mais surtout l’horreur qu’il y a à grandir au milieu d’un conflit et, comme à la souffrance et à la pauvreté, à s’y habituer.

Et voilà la première partie de l’instant culturel est finie! Long malgré tout, et je pense qu’ici plus personne ne me lit, mais vous n’imaginez pas combien je suis soulagée de ne plus avoir cette pile de bouquins qui me nargue sur mon bureau, à me rappeler que j’ai abandonné le blog! Et bam, prend ça la culpabilité, je viens d’écrire cet article d’un trait! Evidemment, la pile ne demande qu’à se reformer pour prendre sa revanche, mais j’ose espérer que je ne la laisserai plus se hausser assez pour me masquer la vue! Envoyez vos dernières recommandations de bouquins, et on va voir ce qu’on va voir!